Bahlsen

(biscuiterie, Allemagne)

 

« Le luxe d’hier est la consommation de masse de demain », cette phrase prononcée par Hermann Bahlsen fut, en quelque sorte, sa devise tout au long de sa carrière. Lorsque cet acheteur de sucre en gros créa son entreprise « Hannoversche Cakes-Fabrik H. Bahlsen », à Hanovre, en 1889, il visait à démocratiser les biscuits en Allemagne, à l’instar de ce qui se passait alors en Angleterre. La gamme de biscuits fabriqués s'étendit rapidement aux gaufrettes (Waffeletten), meringues, biscuits à la confiture, etc. L’essor de la firme fut fulgurant, et de nombreuses médailles lui furent décernées lors des grandes expositions internationales. Le premier emblème de la marque fut un cheval cabré — le cheval des armoiries de Basse-Saxe. Mais en 1904 la firme devait lui préférer le hiéroglyphe Têt (« durée éternelle »), redessiné par le peintre Heinrich Mittag (1859-1920) — le biscuitier avait trouvé ce signe égyptien l’année précédente, avec le concours de Friedrich Tewes et de l’Américain M. F. Peters. Passionné d’art, Hermann Bahlsen fit appel aux plus grands artistes allemands de son temps pour la conception des bâtiments de la rue Podbielski, dus à l’architecte Karl Siebrecht (avec une façade de Georg Herting) : décoration intérieure d’Änne Koken, vitraux d’Adolf Hölzel, tapis de Julius Diez, peintures de Willy Jaeckel, carreaux dessinés par Ludwig Hohlwein, etc. C’est en 1911 qu’il substitua au mot cakes un néologisme allemand keks ; la firme fut alors rebaptisée H. Bahlsens Keksfabrik.

 

Hermann Bahlsen s’avéra un précurseur en matière de technologie : il mit au point, en collaboration avec Heinrich Mittag, un emballage hermétique qui favorisait la conservation des biscuits, il installa la première ligne d’emballage automatisée, etc. Sa vision humaniste de l’entreprise généra la Fondation Hermann Bahlsen ; il créa diverses caisses sociales au service de ses employés. Toutefois, son rêve de construire la ville du Têt, dont le projet fut mis au point par Bernard Hoetger en 1917 et présenté à l’Union des Artistes de Hanovre, se heurta aux attaques de la presse et n’aboutit pas. Hermann Bahlsen devait mourir peu après (1919). À partir des années 1930, en dépit de la crise économique, ses fils Hans, Werner et Klaus, alors en âge de reprendre les rênes de la fabrique, entreprirent de la restructurer. Celle-ci lança, en 1935, sur le marché allemand, les sticks salés, dont Klaus Bahlsen avait rapporté la recette des États-Unis. Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, elle produisit des tranches de pain séchés pour les aviateurs et créa des biscuits aux fruits d’églantier pour les chasseurs alpins. Au sortir du conflit, elle reprit son activité en confectionnant du pain pour la population et les hôpitaux. Mais elle ne tarda pas à surmonter la crise et à retrouver l’univers des biscuits.

 

L’immense succès rencontré par les Salzletten permit à l’Hermann Bahlsen Keksfabrik KG de devenir, en 1953, le numéro un du marché allemand. En 1954, elle créa un deuxième site de production à Lindau, au bord du lac de Constance — s’il produisit des biscuits sucrés jusqu’en 1997, il est désormais consacré à la fabrication des Saltletts Sticks. En 1955, elle inventa l’emballage rigide thermoplastique, parfaitement hermétique et imperméable. À partir des années 1960, elle s’ouvrit à l’internationalisation, avec de nombreuses filiales, dont Bahlsen France, à Rueil-Malmaison, aux saveurs nouvelles, avec les extrudés, par exemple, et au marketing requis par la grande distribution.  Restée entre les mains de la famille, elle poursuivit son expansion dans les années 1990 et vit la séparation des deux activités « produits sucrés » et « snacks » en deux entités autonomes.  En 1994, le groupe racheta la biscuiterie Saint-Michel et fut renommé Bahlsen Saint Michel SAS. Parmi ses produits les plus populaires : le Graffiti, nappé de chocolat ; la gaufrette fourrée Chocostar ; les Duetti, qui associent croquant et crémeux ; etc.

Hermann Bahlsen fut un pionnier de la communication. Intéressé par le mouvement artistique dit Jugendstil, qui alliait romantisme et réalisme, il soutint ses représentants et eut souvent recours à eux. Le considérable patrimoine publicitaire de la firme, conservé au Musée Bahlsen, en porte la marque. On y retrouve, notamment, la dilection de l’entrepreneur pour l’Égypte ancienne : des projets d’affiches, comme L’Égyptienne (1898) — une femme nonchalamment allongée dispose, sur une table, d’une boîte de biscuits et d’une coupe garnie d’un assortiment —, ou la publicité pour le Leibniz Cake conçue en 1912 par le peintre Julius Diez — debout sur l’épaule du Sphinx, une touriste pose une boîte de biscuits, telle une couronne, sur la tête de la sculpture —; la tapisserie dessinée par le même Julius Diez pour la salle de réunion de la firme à Hanovre ; une boîte à biscuits Ägypterin, en céramique blanche décorée du signe Têt et de motifs végétaux, réalisée en 1904 par Ludwig Vierthaler ; etc. Au début du xxesiècle, Raphaël Kirchner réalisa pour la firme une superbe affiche façon vitrail. De son côté, Heinrich Mittag conçut plusieurs affiches pour l’entreprise : prônant les Leibniz-Cakes, une fillette jouant au cerceau avec une boîte ronde « Dessert », en 1900 ; un pierrot dans l’esprit Belle Époque pour vanter les Leibniz-Cakes ; un pâtissier ambulant vendant ses Leibniz Keks, en 1912 ; etc. Cette importance accordée à la publicité de qualité perdura au fil des décennies. Ainsi, en 1952, Olaf Gulbranson prêta son talent aux Leibniz-Keks : un enfant blond vu de dos et entouré de paquets de biscuits qui semblent évoluer dans l’espace.

Kurt Schwitters, Keks-Fabrik AG, collage, Zug, Kunsthaus.

1909.

1900-1910.

Dès 1905, des cartes postales illustrées d’enfants gourmands vantèrent les biscuits Bahlsen. Les boîtes à biscuits en métal, richement ornées, se présentent comme de luxueux écrins, rivalisant d’élégance et d’originalité dans le graphisme. Quant à celles en porcelaine, conçues par Ludwig Verthaler, Willi Münch-Khe, etc., ce sont de véritables œuvres d’art. Outre ces supports traditionnels, des timbres Bahlsen furent dessinés par des artistes (Heinrich Mittag, Julius Diez, Änne Koken, Mela Kœhler, Heibrich Vogeler, notamment), rapidement très recherchés par les collectionneurs.

• Josse Gossens, WW1 Feldpost, 1915-1916

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