Mai 2022 / Pâtisserie

 

4 mai 2022

 

En d’autres termes

 

Cueillir des lauriers dans un gâteau :

« Hier, en passant dans le quartier des Carènes, j'en ai vu un nouvel exemple assez comique : c'est celui d'un orateur qui vient de se faire représenter en guerrier, lui qui n'a jamais combattu que dans l'étroite enceinte de la chicane, au temple de Mars Vengeur, et cueilli des lauriers que... dans un gâteau, comme on dit assez gaîment d'un présomptueux qui cherche à acquérir de la gloire à peu de frais, allusion à des gâteaux couverts de feuilles de laurier. » [Charles Dezobry (1798-1871), Rome au siècle d'Auguste…, Lettre LXII, « Les statues ».]

10 mai 2022

 

À Versailles,

un chevalier de Saint-Louis devenu pâtissier

 

 

« Il était ceint d’un tablier de toile blanche qui lui tombait au-dessous des genoux, avec une sorte de bavette qui lui montait au milieu de la poitrine ; au haut de cette bavette, mais un peu au-dessous de l’ourlet pendait sa croix. Son panier de petits pâtés était couvert d’une serviette blanche damassée ; une autre serviette semblable était étalée au fond ; et le tout avait un tel air de propreté et de soin, qu’on aurait pu lui acheter ses pâtés autant par appétit que par sentiment.

Il ne les offrait ni à l’un ni à l’autre ; mais il se tenait immobile, au coin d’un hôtel, pour que les achetât qui voulait, sans sollicitation.

Il avait environ quarante-huit ans — une physionomie calme, avec quelque chose qui touchait à la gravité. — Je ne marquai aucun étonnement. — J’allai au panier plutôt qu’à lui, et ayant soulevé la serviette et pris un de ses pâtés dans ma main, je le priai de m’expliquer le spectacle qui m’intéressait.

Il me dit en quelques mots que la meilleure partie de sa vie s’était passée au service et qu’après y avoir dépensé un petit patrimoine, il avait obtenu une compagnie et la croix avec elle ; mais à la conclusion de la dernière paix, son régiment ayant été dissous et tout le corps, avec l’addition de quelques autres régiments, ayant été laissé sans ressources, il s’était trouvé dans le vaste monde, sans amis, et sans une livre — et réellement, dit-il, sans autre chose que ceci — (en disant cela, il me montrait sa croix). — Le pauvre Chevalier avait gagné ma pitié, la fin de cette scène lui gagna aussi mon estime.

Le roi, dit-il, était le plus généreux des princes, mais sa générosité ne pouvait ni secourir ni récompenser tout le monde, et son malheur à lui, se bornait à faire partie de tout le monde. Il avait, dit-il, une petite femme qu’il aimait, et qui savait faire la pâtisserie ; et il ajouta qu‘il ne ressentait aucun déshonneur à se préserver et à la préserver du besoin par ce moyen — tant que la Providence ne lui en offrirait pas de meilleur. »

 

Laurence Sterne, Voyage sentimental à travers la France et l’Italie,

seconde moitié du  XVIII siècle

18 mai 2022

 

Le marchand de petits gâteaux

 

« J’en étais là, quand vint à passer dans la rue le marchand de petits gâteaux. C’était son heure. L’idée de manger des petits gâteaux se présenta naturellement à mon esprit ; mais je me fis un scrupule de céder à cette tentation de la chair, dans un moment où c’était sur l’âme qu’il m’était enjoint de travailler, de façon que, laissant le marchand attendre et crier, je restais assis au fond de ma chambre.

Mais ceux qui ont observé les marchands de petits gâteaux savent combien ils sont tenaces envers la pratique. Celui-ci, bien qu’il ne me vît point paraître encore, ne tirait de cette circonstance aucune induction fâcheuse pour son affaire, mais, bien au contraire, continuait à crier avec la plus robuste foi en ma gourmandise. Seulement il ajoutait au mot de gâteaux l’épithète pressante de tout chauds, et il est bien vrai que cette épithète faisait des ravages dans ma moralité. Heureusement je m’en aperçus, et j’y mis bon ordre.

Carle Vernet, XIXe siècle.

Je crus devoir cependant ne pas laisser dans son erreur cet honnête industriel, à qui je faisais perdre un temps précieux ; je me mis à la fenêtre pour lui dire que je ne prendrais pas de gâteaux pour ce jour-là.

« Dépêchons, me dit-il, je suis pressé... »

J’ai déjà dit qu’il croyait en moi plus que moi-même.

« Non, repris-je, je n’ai point d’argent.

– Crédit.

– Et puis, je n’ai pas faim.

– Mensonge.

– Et puis, je suis très occupé.

– Vite !

– Et puis, je suis prisonnier.

– Ah ! vous m’ennuyez », dit-il en soulevant son panier comme pour s’éloigner.

Ce geste me fit une impression prodigieuse. « Attendez ! » lui criai-je.

Quelques instants après, une casquette artistement suspendue à une ficelle hissait deux petits gâteaux... tout chauds ! »

 

Rodolphe Töpffer, La bibliothèque de mon oncle, 1897

21 mai 2022

 

La fête des rissoles à Coucy (Aisne)

 

« Vers l’an du Seigneur 1131, dit la légende, Enguerrand II (1), sire de Coucy, “ étant adverti qu’il y avoit ès bois et forests proches de la maison, plusieurs bestes sauvages et estranges qui faisoient beaucoup de maus et de cruautez aus environs, entre lesquelles estoient un grand et puissant lion, qui avoit une epaisse et longue chevelure, un regard fier et hideus, le poil herissé, ne redoubtant chien ne le trait du chasseur, s’esmeut et enfla le cœur d’une ardeur et desir de le combattre, se fit guider au lieu où il hantoit….. Et quant d’un courage de Theseus, et d’une force et résolution d’Hercules, et la dexterité d’un Lysimachus, saillit si hardyment sur ceste beste furieuse, et la serra de si près, que l’ayant longuement combattu cors à cors, enfin il la vainquit et fit mourir. Dont il acquit un tel renom partout, que la memoire de sa reputation n’en peut jamais estre esteinte. ” (2)

Telle est l’origine que plusieurs historiens donnent à la fête des Rissoles. Toute la contrée avoisinant Coucy, pleine de reconnaissance pour le souvenir que venait de lui rendre Enguerrand II, aurait désiré qu’une fête conservât à jamais le souvenir de ce bienfait, et l’abbaye de Nogent-sous-Coucy (3), se faisant l’interprète de la gratitude publique, aurait institué la fête des Rissoles.

Il est bien plus que probable que cette fête fut instituée par un sire de Coucy (peut-être par Thomas de Marle ?), en souvenir de la fondation de l’abbaye de Nogent par les sires de Coucy, et de leur puissance dans le pays.

Quoi qu’il en soit, voici en quoi consistait la fête ou plutôt l’hommage des Rissoles.

L’abbé de Nogent, ou son fondé de pouvoir, vêtu d’un habit de semeur, le fouet à la main, devait entrer dans la ville de Coucy par la porte de Laon et se rendre dans la cour du château monté sur un cheval isabelle à courte queue et sans oreilles, propre au labourage et harnaché d’un collier, ayant devant lui un panier de bât plein de rissoles et de galettes ; un chien roux, sans queue, portant une rissole à son cou, devait suivre l’abbé. Après avoir, en présence du sire de Coucy ou de son représentant, et en faisant claquer son fouet, tourné trois fois autour d’une table de pierre soutenue par trois lions couchés sur le ventre, sur le milieu de laquelle était accroupi un quatrième lion de grandeur naturelle, le cavalier devait descendre de cheval et monter sur la pierre ; puis, mettant un genou en terre, embrasser le plus grand des lions. L’hommage était alors rendu ; mais avant d’en dresser l’acte, il fallait qu’un des officiers du seigneur de Coucy examinât l’équipage de l’hommageur, et s’il manquait un clou à son cheval, ou si cet animal, oubliant la cérémonie, se permettait quelque inconvenance, il était confisqué et l’abbé de Nogent condamné à une amende. Lorsque l’hommage avait été rendu, un certificat en était donné à l’abbé par l’officier préposé à cet effet, et les rissoles (4) et gâteaux étaient aussitôt distribués aux assistants.

En 1741, M. de Montazet, aumônier du Roi et abbé de Nogent, essaya de profiter des sentiments de piété de Louis, duc d’Orléans, alors seigneur de Coucy, pour soustraire son abbaye aux obligations de vassalité imposées par les anciens seigneurs, et surtout à la cérémonie des Rissoles ; mais ce prince consentit seulement à ce que la distribution de pain faite aux pauvres le mardi-gras, fût convertie en une rente annuelle de cent cinquante livres appliquée à l’instruction de la jeunesse de Coucy, et maintint formellement la cérémonie de l’hommage, “ attendu, dit-il, qu’il étoit de toute ancienneté. ” (Archives de Coucy.)

On a peine à comprendre comment cette fête des Rissoles, si humiliante pour l’abbé de Nogent, a pu s’introduire dans un siècle où la puissance du clergé était à son apogée. Il est présumable que les religieux de Nogent achetèrent ainsi une donation importante qui les payait, et au-delà, de l’atteinte que leur amour-propre devait souffrir dans cette bizarre cérémonie qui se célébrait trois fois par an : à Noël, à Pâques et à la Pentecôte.

On vient de voir combien, à toutes les époques, les seigneurs de Coucy ont tenu à l’hommage des Rissoles. Les premiers sires avaient fait représenter cette cérémonie sur des tapisseries qui ont été, dit l’Alouette, curieusement conservées dans le château de Coucy jusqu’au temps d’Enguerrand VII, époux de Marie de Lorraine, fille de Henri, duc de Lorraine ; mais après la mort d’Enguerrand ces tapisseries furent portées en Lorraine, où elles étaient encore à la fin du  XVIe siècle. »

 

Amédée de Caix de Saint-Amour (1843-1920),

Coutumes singulières, chroniques, légendes documents curieux

et inédits concernant la noblesse

(1) Il était fils de Thomas de Marle ou de Coucy, fameux par ses guerres et ses brigandages. On croit qu’Enguerrand II mourut vers 1150, en Palestine, où il était allé combattre les Infidèles.

(2) L’AlouetteTraité des nobles et histoires des seigneurs de Coucy.

(3) L’abbaye de Nogent-sous-Coucy avait été fondée en 1059 par Albéric, seigneur de Coucy, à la place d’une antique chapelle placée sous l’invocation de la Sainte Vierge et renommée par des guérisons miraculeuses qui attiraient les peuples du voisinage. Cette abbaye fut enrichie et augmentée sans cesse par les dons des seigneurs de Coucy successeurs d’Albéric. Elle rapportait, lors de sa suppression à la Révolution, 7,000 liv. ; ses armes étaient : Écartelées ; aux 1 et 4 fascés de vair et de gueules de six pièces, qui est de Coucy ; aux 2 et 3 semés de France ; sur le tout un écu d’argent à la tête de moine naturelle.

(4) Les rissoles sont une sorte de pâtisserie garnie de viande hachée, enveloppée dans une pâte feuilletée qu’on replie sur elle-même et qu’on fait frire dans du beurre ou du saindoux.

24 mai 2022

En d’autres termes

 

Je ne mange pas mon gâteau dans ma poche:

« je veux donner une part du profit de l’affaire à ceux qui me l’ont procurée. »

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