Le couscous

 

Entre autres plats, je remarque un poulet aux amandes, un couscous à la vanille, une tortue à la viande – un peu lourde mais du plus haut goût – et des biscuits au miel qu’on appelle bouchées du kadi.

Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin,

« À Milianah Notes de voyage »

Le terme couscous (du berbère kouskous) désigne la semoule de blé dur, très utilisée dans la cuisine orientale.  Sa préparation est connue dans le bassin méditerranéen depuis l’Antiquité.  Le ziqqu mésopotamien

 

Carte postale, coll. A. P.-R.

Dans le Cinquième et dernier livre des faits et dits du bon Pantagruel, celui-ci, en quête de la Dive-Bouteille, arrive chez la reine du royaume de quinte-essence, où l’on sert à souper. « Sur l’issue de la table fut apporté un pot-pourry […]. Le pot-pourry était plein de potaiges d’espèces diverses, sallades, fricassées, saulgrenées (ragoûts), cabirotades (grillades de chevreau), rousty, boully, carbonnades (grillades, grandes pièces de bœuf salé), genbons (jambons) de anticaille (conserve), pastisserye, ung monde de coscotons (couscous) à la Moresque, tartes et fourmaiges (fromages), joncades (lait caillé égoutté sur claie de jonc), gellée, fructz de toutes sortes. »

 

Arel Toaff, Histoire et identités alimentaires en Europe, 2001

 

Dans l’Italie du 16e siècle, manger « à la juive » ne voulait pas dire « manger kasher » mais consommer certains aliments qui possédaient un certain goût, qui avaient un certain aspect et qui étaient accommodés avec certains ingrédients, bien au-delà des interdits religieux (ex : saucisse d’oie, viande à l’étouffée du sabbat, couscousou, artichaut frit, endive cuite au four, massepain et beignets au miel et à la cannelle, confiture de coings, ...).

Beaucoup de ces produits, originaires souvent d’Afrique du Nord, arrivaient par les ports italiens et étaient choisis pour leur goût par la population juive.

Les aliments permis sont dits «kashers», on mangeait ce qui était permis avec des ingrédients autorisés. On peut dire que certains plats de l’époque tant par la présence des produits que de la manière de les accommoder étaient révélateurs d’une appartenance à la communauté juive d’Italie, marquant une distinction avec le milieu chrétien environnant. Pourtant le processus d’osmose vers les autres populations a été inévitable. Le terme « berengena » qui désigne l’aubergine au même titre que « melanzane » est un mot d’origine juive.

On peut noter que même certaines préparations ont disparues lors d’actions contre cette population (ex : disparition du couscous à Palerme pendant l’inquisition).

Petite anthologie

 

« Dans la Guinée septentrionale, la nourriture des Nègres varie un peu, suivant les divers districts. En général, les gens de condition libre déjeunent à la pointe du jour avec de la bouillie de farine et d'eau, à laquelle on mêle un peu de fruit de tamarin, pour lui donner un goût acide. Vers deux heures de l'après-midi, ils mangent le plus ordinairement une espèce de pudding fait avec un peu de beurre de schea. Le souper est le principal repas ; on ne le commence guère avant minuit ; il consiste principalement en couscoussou, mêlé d'un peu de viande ou de beurre de schea.

Ci-contre, gravure, in « Le Monde Illustré »,  30 janvier 1864.

Pour faire ce couscoussou, qui est la principale nourriture, on commence par humecter de la farine avec de l'eau, après quoi on la bat dans une grande calebasse jusqu'à ce qu'elle devienne grenue. Alors on la met dans un pot de terre, dont le fond est percé de beaucoup de trous, et, ce pot étant placé sur un autre qui n'est point percé, on les unit bien ensemble avec de la farine délayée, ou même avec de la bouse de vache, puis on les met sur le feu. Le pot de dessous est ordinairement rempli d'eau dans lequel il y a de la viande, et dont la vapeur, pénétrant à travers les trous de celui qui est au-dessus, ramollit et cuit le couscoussou. Les nègres, n'ayant point de moulin, se servent de mortier pour réduire les grains en farine. »

Les Classiques de la Table,

tome 2, « Peuples divers », Firmin iot Frères, Paris, 1855

En Algérie

 

Arsène Berteuil, L’Algérie Française,

Dentu Libraire-Éditeur, Paris, 1856

 

« Le mouton, le pain, la volaille, le poisson, le lait, le beurre, le fromage, l’huile, les olives et le couscoussou, espèce de pâte en grain, et faite de blé à la manière du macaroni, forment la principale nourriture des peuples de Barbarie : on peut regarder le dernier mets comme leur plat national : c’est comme le macaroni pour les Italiens et le riz pour les indiens. Généralement on fait cuire le couscoussou dans une passoire en bois, au-dessus de la vapeur de bouillon, et c’est un mets savoureux et nourrissant quand il est bien préparé avec des œufs durs, des légumes et des herbes douces.

Les pauvres, qui n’ont pas toujours de quoi acheter de la viande, préparent leur couscoussou avec de l’huile ou du beurre.

Les simples ouvriers se contentent de pain et y ajoutent un peu d’huile quand ils peuvent. Les Algériens mangent peu de bœuf ; ils tuent rarement des vaches et jamais de veaux. »

Pauline de Noirfontaine, Algérie, un regard écrit,

Imprimerie Alph. Lemale, Le Havre, 1856

 

« Quand tous ces jeux olympiques, qui eurent lieu d’après les règles de la chevalerie du pays, furent terminés, notre amphitryon, qui exerça à notre égard l’hospitalité la plus généreuse, nous offrit la diffa, grand festival dans lequel une douzaine de plats du cru, assaisonnés avec plus ou moins de piment et d’essence de rose, nous furent servis sur une table de six pouces de haut, au milieu de laquelle le Kous-Koussou, mets favori des arabes, tenait la première place.

Le Kous-Koussou se compose d’une pâte triturée avec de la farine et des neufs, réduits en grumeaux qui ressemblent à de gros grains de semoule.

On y ajoute, suivant la circonstance ou l’importance des convives, des tronçons de viande cuite à l’eau, des dattes, des olives et du miel, tel qu’il sort de la ruche.

C’est décoré de tous ces ingrédients, que le Kous-Koussou nous a été présenté, accompagné d’un mouton rôti en plein vent, et qu’il est d’usage de manger avec ses doigts*. »

 

* Le mouton représente, en Afrique, l’agneau de la Bible qu’on sacrifiait aux jours solennels.

Louis Régis, Constantine - Voyages et séjours,

introduction de A. Mézières de l’Académie Française,

Calmann Lévy Éditeur, Paris, 1880.

 

« Le seul plat arabe qui nous ait été servi fut le couscous. Au dire de tous ceux qui en ont goûté en Afrique, cette nourriture, à la fois saine et nourrissante, est excellente lorsqu’elle est bien préparée. Elle est composée d’une semoule, faite sur le moment ; avec le mélange de plusieurs farines que l’on roule longtemps dans un grand tamis en y ajoutant peu à peu de l’eau : puis on pose le tamis sur un chaudron dans lequel on fait bouillir des morceaux de mouton, de poulet et des fonds d’artichauts. La vapeur qui passe à travers les crins du tamis durcit la semoule. On la sert, lorsqu’elle est cuite à point, dans un plat creux, en lui donnant une forme pyramidale sur laquelle on pose symétriquement les légumes et la viande. Avec le bouillon, on fait une sauce, appelée mergah, mêlée de piments rouges concassés, que l’on verse sur le couscous à l’instant même où l’on va servir les convives. C’est donc un dîner complet qui est contenu dans un seul plat : la soupe, les légumes et la viande. Les gourmets arabes font quelquefois griller une poitrine d’agneau à la place du mouton bouilli. Quant aux Arabes des gourbis, trop pauvres pour acheter de bonnes viandes, ils se contentent des morceaux de dernier choix, qu’ils obtiennent pour une somme minime et qui leur servent seulement à l’aire la mergah ; ils trouvent dans la campagne des artichauts sauvages dont le goût est passable. Ils servent le couscous dans un plat supporté par un pied et qui forme une sorte de table basse autour de laquelle ils s’asseyent à terre. Armés d’une cuiller de bois, ils attaquent la montagne de semoule en creusant toujours au même endroit, afin de ne pas empiéter sur la part du voisin. le couscous qui nous était servi chez le marabout venait après dix autres plats, au moins, qui composaient ce copieux repas. Dans cette famille, le Koran est observé avec scrupule et aucun de nos hôtes n’a bu de vin. Je suppose que, si le médecin ordonnait à l’un d’eux d’en boire comme remède, il aurait soin de le faire en secret, afin de ne pas donner aux chrétiens l’idée qu’il tient peu de compte des préceptes de la loi religieuse ; et c’est ainsi que certains catholiques, quand ils sont dispensés de faire maigre le vendredi, n’usent point de cette permission en présence d’un protestant. »

Adolphe Badin,

Jean Casteyras, Aventures de trois enfants en Algérie,

J. Hetzel et Cie, Paris, 1888

 

« Quand le couscoussou fut à point, la négresse prit le poêlon de terre qui le renfermait et le vida dans un large plat rond en bois, qu’elle vint déposer devant Ali-ben-Amar. Sans s’inquiéter le moins du monde des autres personnages, celui-ci se mit aussitôt à manger, prenant à même le plat une poignée de couscoussou et la roulant entre les paumes de ses mains de façon à en faire une boule graisseuse, qu’il avala ensuite gloutonnement. Il continua cet exercice jusqu’à ce que, enfin, ayant sans doute apaisé son vigoureux appétit, il repoussa le plat et lampa une large rasade d’une outre en peau de mouton placée à côté de lui. Ainsi lesté, il se remit à fumer sans prononcer la moindre parole. »

[…]

Les enfants ne se firent point prier, comme on pense ; depuis la veille au soir ils n’avaient absolument rien pris que la poignée de dattes et les galettes de froment que la charitable Ourida leur avait distribuées, et qui n’avaient comblé que très imparfaitement le vide de leur estomac. François, qui, lui, n’avait rien mangé du tout et qui mourait de faim, prit à peine le temps de regarder l’étrange intérieur où il avait été transporté pendant son sommeil, et se jeta avec avidité sur le couscoussou du farouche Ali Ben-Amar.

Le couscoussou, le plat de résistance, et souvent l’unique plat, de tout repas arabe, n’a rien, du reste, en lui-même, qui pût répugner au goût de nos jeunes héros. On sait que ce n’est pas autre chose qu’une préparation de farine roulée à la main en petites boulettes de la grosseur d’un pois et cuite à la vapeur d’une espèce de bouillon où mijotent quelques menus morceaux de mouton ou de volaille.

Ce mets n’a qu’un inconvénient : il est passablement étouffant. »

Chez les Kabaïles

 

Arsène Berteuil, L’Algérie Française,

Dentu Libraire-Éditeur, Paris, 1856

 

« La vie est des plus frugales et sans luxe d’aucune sorte, môme chez les riches. Elle ne porte aucune trace apparente de civilisation avancée. Les aliments sont : le pain ou plutôt la galette cuite sur la plaque d’argile, espèce de foyer portatif décrit plus haut ; du lait, du miel, du beurre, mangés avec le pain ; des figues trempées, ainsi que le pain, dans l’huile rance en guise de sauce ; quelques légumes ou graines, tels que les fèves, le riz, plus rarement de la viande. Celle-ci se cuit sur une petite broche ou longue aiguille, tournant à la main sur deux pierres au-dessus du foyer. Le plus grand régal est le mets national appelé couscoussou ; pour le faire, on pose sur trois pierres servant de foyer un pot de terre contenant de la graisse de mouton ou de la mauvaise huile, des tomates, des oignons, du piment, du maïs vert, des herbes aromatiques, des viandes, ordinairement du mouton, du bouc, quelquefois de la volaille, coupées en assez gros morceaux.

Par-dessus est un plat de terre en forme d’écumoire renfermant en tas de la mie de pain roulée par petites boules comme des grains de blé, laquelle cuit ainsi à la vapeur du mélange placé dans le pot inférieur.

La cuisson obtenue, le tout est versé dans un grand plat de bois que l’on place au milieu des convives. Ceux-ci mangent par terre, les jambes croisées ; ils se servent de leurs doigts pour puiser dans le plat, la main gauche servant comme d’assiette, la droite portant les aliments à leur bouche. Une cuiller, même de bois, est de luxe ; parfois, cependant, un couteau grossièrement fait sert à découper la viande; on la saisit et chacun la déchire à belles dents.

L’eau est la seule boisson ; la cruche qui la contient passe, à la fin du repas, à la ronde. Le vin, en public surtout, est exclu ; mais on est assez tolérant, à l’écart, pour les boissons fermentées, pourvu qu’elles affectent tant soit peu la couleur blanche. La plupart des chefs kabaïles apprécient et savourent le rhum et l’eau-de-vie. »

L’Algérie par MM. les capitaines du génie Rozet et Carette,

Frimin Didot Frères Éditeurs, Paris, 1850

 

« Vers le sommet des montagnes, où règnent d’immenses espaces couverts de forêts vierges, le kabyle est bûcheron et tourneur. C’est de ces hautes régions que descend toute la vaisselle indigène de l’Algérie : c’est là particulièrement que se fabriquent ces plats majestueux en bois de hêtre appelés gaça, oùs’apprête et se sert chaque jour le mets national, le couscoussou destiné à tous les habitants d’une tente, d’une gourbi, d’une maison. »

Dr. Shaw, Voyage dans la régence d’Alger,

ou description géographique, physique, philologique, etc. de cet état,

trad. de l’anglais par J. Mac Carthy, Chez Marlin Éditeur, Paris, 1830.

 

« Mais les Bédouins et les Kabyles n’ont ni les ustensiles ni les commodités nécessaires pour faire des repas aussi splendides. Deux ou trois plats de bois, un pot et un chaudron, composent toute la batterie de cuisine du plus grand émir. Tous, depuis le plus pauvre Bédouin jusqu’au plus riche pacha, ont cependant la même manière de prendre leurs repas. Ils se lavent premièrement les mains, après quoi ils s’asseyent, les jambes croisées, autour d’une natte où d’une table basse. Mais ils n’ont pour tout linge de table qu’un grand essuie-mains qui est disposé autour de la natte. L’usage des couteaux et des cuillers n’est pas général parmi eux ; leurs viandes étant bouillies ou rôties au point qu’il n’est pas nécessaire de les découper. Leur couscous, leur pillau, et autres mets du même genre que nous mangerions à la cuiller, se servent tièdes. Aussitôt que la table est servie, les convives mettent tous à la fois la main droite dans le plat, puis chacun en retire avec les doigts la quantité suffisante pour une bouchée, et en fait dans la paume de la main une petite boulette qu’il avale ensuite. Dès qu’un convive a mangé suffisamment, il se lève, et, près s’être lavé, s’en va, sans proférer un mot, et un autre prend aussitôt sa place. Il en résulte:souvent que le valet succède à son maître ; car ces peuples ne connaissent pas l’usage d’avoir plusieurs tables. Lorsqu’ils prennent leurs repas, ou, pour mieux dire, toutes les fois qu’ils mangent ou boivent, qu’ils travaillent ou qu’ils entreprennent quelque chose, ils ne manquent jamais de prononcer avec beaucoup de respect et un grand sérieux le mot bismallah, c’est-à-dire au nom de Dieu ; et lorsqu’ils on a fini de manger ou de travailler, celui d’Alhamdjllah, ou le Seigneur soit loué ! »

Chez les Bédouins…

A. Villacrose, Vingt Ans en Algérie

ou Tribulations d’un colon racontées par lui-même,

Librairie-éditeur Challamelainé, Paris, 1875.

 

« Faute de chaises, et ne voulant pas ou plutôt ne pouvant pas m’asseoir à la turque, position horriblement gênante, qui, au bout de cinq minutes, m’a toujours donné des crampes dans les mollets, je me confectionnai un siége avec un bât de mulet et attaquai le premier plat, composé d’œufs brouillés nageant dans un demi-litre d’huile chaude tellement forte, que je fus pris d’un accès de toux qui dura un quart d’heure.

A la troisième cuillerée j’étais à bout de courage et je fis m’arrêter ; un des fils du caïd se tenait debout, derrière son père ; Daly Ahmet m’invita à achever l’abominable ratatouille, et sur mon refus poliment exprimé, le plat passa entre les mains du jeune homme, qui, moins difficile que moi, avala le tout, excepté l’assiette cependant, sans avoir besoin de la moindre fourchette.

Un plat de mouton en boulettes sur une sauce rouge et fortement pimentée remplaça l’omelette, et cette fois, je fis honneur au ragoût apprêté par la bien-aimée de mon hôte ; pour troisième plat, j’eus une marmelade de poulet à la même sauce, rouge toujours, des plus épicées, et enfin, le complément indispensable de tout repas arabe, le couscous au mouton et au poulet bouilli, arrosé de merga (bouillon épais et empâtant la bouche) servi dans un pot de terre.

J’aime le couscous, ou pour mieux dire, j’adore le couscous quand, il est bien fait ; je l’aime tellement que je me suis appris à le confectionner et que quelquefois, à Paris, je fabrique et fais cuire moi-même dans des ustensiles que j’ai rapportés de Kabylie, ces petites boulettes de pâte dont, bien évidemment, Abraham ou plutôt son épouse Sarah offrit à l’ange envoyé de Dieu, quand celui-ci lui eut annoncé, à elle deux fois centenaire, la naissance de son fils Isaac. »

Les espiègleries de Sidi Abd-el-Kader

 

Colonel C. Trumelet, L’Algérie Légendaire en pèlerinage

çà et là aux tombeaux des principaux Thaumaturges de l’Islam (Tell et Sahara),

Librairie Adolphe Jourdan, Alger, 1892

 

« Mais nous voulons donner une idée des espiègleries de Sidi Abd-el-Kader ; on verra alors ce qu’il fallait de patience au chikh es-s’rir pour les supporter.

Il était de coutume, à la moula de Sidi Abd-el-Aziz, que chaque élève, à son tour, préparât le kousksou pour toute la communauté ; or, un jour, c’était à Sidi Abd-el-Kader qu’incombait ce soin. “ Va chercher du bois, & mon enfant, lui dit le chikh es-s’rir avec bonté, — il essayait quelquefois de la douceur, — va ! mon fils ! car tu sais que c’est ton tour, puisque Mohammed ben-Châban y a été hier. Or, je sais que, pour tous les biens de la terre, tu ne voudrais pas imposer à tes camarades...

— Par Dieu ! il ne me plaît pas de faire cette corvée », répliqua Sidi Abd-el-Kader d’un ton plus que léger, et en interrompant très impoliment le chikh, qui en fut extrêmement blessé.

— Par ma tête ! reprit le chikh es-sr’ir irrité, je te ferai bâtonner, ô enfant mal élevé ! si le kousksou n’est pas prêt pour le repas du soir. “

Cette menace ne parut pas effrayer beaucoup Sidi Abd-el-Kader, car il se mit à siffl oter entre ses lèvres d’une façon qui exaspéra à un tel point le vieux chikh, qu’il se serait inévitablement laissé aller à quelque violence, s’il n’avait eu la prudence de se retirer. Il va sans dire que le jeune élève ne s’occupa pas plus de cuisine que de la chachia vernissée de crasse de son professeur.

Cependant, l’heure approchait où les estomacs des élèves allaient crier à assourdir leur esprit, et pourtant il n’y avait pas trace de préparation des aliments. Le chikh avait espéré que le refus de l’écolier d’obéir à ses ordres n’était qu’un caprice, et qu’il finirait par faire sa corvée. Qu’on juge de la colère de ce professeur quand, étant revenu à la cuisine, il vit la marmite gelant de froid sur ses trois pierres, et dans la position où il l’avait laissée après sa scène avec le jeune mauvais sujet. Furieux de se voir joué par un polisson qui ne paraissait pas se préoccuper le moins du monde du cataclysme que pouvait attirer sur la zaouïa un dîner en effigie, — il n’est rien de plus féroce que des écoliers qui ont faim, — le chikh se disposait, comme il l’en avait menacé, à bâtonner Sidi Abd-el-Kader, quand celui-ci, après avoir placé tranquillement sa jambe droite sous la marmite, dit au sous-maître avec un calme superbe ; “ O chikh ! mets-y le feu ! ”

Le chikh es-sr’ir pensa, — c’est assez naturel, — que l’indocile élève voulait se jouer de lui, et sa colère fut sur le point de ne plus connaître de bornes ; il levait donc la gaule pour l’en frapper, lorsque le saint, prenant une lampe qui brûlait auprès de lui, la mit sous sa jambe, qui flamba immédiatement. Quelques minutes après, on entendait dans la marmite le bouillonnement de l’eau, laquelle s’élevait aussitôt en vapeur à travers le tamis du keskes.

Le repas fut servi à l’heure habituelle, et les écoliers trouvèrent au kousksou un délicieux arome qui n’avait rien de commun avec l’odeur de graillon qui, ordinairement, parfumait si désagréablement cet aliment.

Informé de ce miracle par le chikh es-sr’ir, Sidi Abd-el-Aziz regarda attentivement son élève, et l’ardeur de cette fxité ne tarda pas à déterminer l’inflammation du fluide qui entoure et isole l’enveloppe corporelle des saints en mission sur la terre. Dépouillé de son vêtement terrestre, Sidi Abd-el-Kader sentit bien qu’il était reconnu, et qu’il n’avait plus à feindre. Sidi Abd-el-Aziz se confondit en excuses auprès du saint au sujet de la colère de-son chikh, lequel avait osé le menacer de sa gaule. Sidi Abd-el-Kader, tout en acceptant les excuses, rit beaucoup de l’aventure, — c’est le saint le plus gai du paradis, — et surtout de la figure que faisait le chikh ; il rassura ce dernier avec bonté, lui recommandant toutefois de ne pas s’abandonner si facilement à la colère, et de se rappeler sans cesse ces paroles du Prophète : “ Lorsqu’un de vous se met en colère étant debout, qu’il s’asseye, et, si la colère ne le quitte pas, qu’il se mette à rire. ”

Le chikh, confus, cherchait une réponse au plafond à cette leçon du saint ; il la tenait ; mais, quand il ramena son regard à hauteur d’homme pour l’écouler, l’ouali avait déjà disparu. »

Mes recettes de couscous

 

La semoule de blé dur est très utilisée dans la cuisine orientale.

« Le couscous peut se faire sucré. En Algérie, il est agrémenté de dattes et de cerneaux de noix concassés (mesfouf qsentena). Le mesfouf peut comporter des raisins secs (Smyrne et Malaga). Au Maroc, le seffa est un dessert fait de semoule, de beurre, de sucre, de cannelle et d’eau de fleurs d’oranger. Dans certaines contrées, le mouhammas aux dattes (mouhammas bi-tamr) est fait de couscous à gros grain (mouhammas) cuit dans du lait additionné de beurre, de dattes dénoyautées et de sucre ; il se consomme tiède. » (Dictionnaire de la Gourmandise, Robert Laffont, 2012.)

La Chourbah,  Banquet du 25 mars 1902, banquet de peintres orientalistes, inspiration probable du tableau du même nom d'Etienne Alphonse Dinet (1861-1929), A. Clot éit., Paris, Périgueux - Médiathèque Pierre Fanlac.

Opter pour une graine fine pour la préparation d’un couscous sucré (mesfouf). La Sicile a son couscous dolce.

On trouve aujourd’hui, dans le commerce, de la graine précuite à laquelle il suffit d’ajouter de l’eau bouillante pour la faire gonfler — le mode d’emploi est indiqué sur l’emballage. Si le produit est pratique, ses qualités gustatives ne peuvent rivaliser avec celles du véritable couscous auquel on doit faire subir une triple cuisson.

Pour les raisins secs à lui associer, préférer ceux de Smyrne et de Malaga.

J'ai publié toutes mes recettes dans mon ouvrage Couscous (SAEP, 2003).  Aussi mon partage est ici très réduit.

Couscous au melon

 

Pour 4 à 6 personnes. : 1 melon, 200 g de couscous (grain fin) cuit et refroidi, 2 sachets de sucre vanillé, le jus de 2 citrons verts, quelques feuilles de menthe, 50 cl de coulis de framboises.

 

Couper la pulpe du melon en dés. La mélanger au couscous. Incorporer le sucre vanillé. Mouiller avec le jus de citron vert. Laisser reposer au réfrigérateur pendant 3 heures.

Répartir la préparation dans des coupes individuelles. Décorer avec des feuilles de menthe.

Servir avec le coulis de framboises présenté à part.

Couscous en muesli

 

Pour 6 personnes : 6 figues sèches, 100 g d’abricots secs, 2 oranges non traitées, 50 g de raisins secs, 20 g de beurre, 50 g de sucre roux en poudre, 30 à 40 cl de lait de coco, 350 g de couscous (grain moyen) cuit et refroidi, 75 g de noisettes grillées et hachées, 25 g de noix de coco râpée.

 

Couper les figues en deux, puis les faire tremper dans 30 cl d’eau pendant 30 minutes.

Couper les abricots en petits morceaux. Laver les oranges, en prélever le zeste et le râper. Les presser ensuite.

Mettre dans une casserole les figues (et leur eau de trempage), les raisins secs, les abricots, le zeste et le jus des oranges, le beurre, le sucre et le lait de coco. Faire chauffer, sur feu doux. À ébullition, ajouter le couscous ; laisser reposer, à couvert, hors du feu, pendant 10 minutes. Ajouter les noisettes.

Séparer les grains à la fourchette. Ajouter la noix de coco râpée. Répartir le couscous dans des coupes individuelles. L’arroser de lait de coco. Servir, avec du sucre roux présenté à part.

 

Ce muesli est parfait pour un petit déjeuner copieux.

Mes recettes à base de couscous

 

Taboulé

 

Pour 6 personnes : 350 g de semoule de couscous (moyenne), 1 kg de tomates bien mûres ou 1 grosse boîte et demie de tomates pelées au naturel, 20 cl de jus de citron, 1 verre et demi d’herbes hachées (menthe et persil plat en majeure partie, mais aussi estragon, cerfeuil, ciboulette), huile d’olive, sel fin, poivre blanc du moulin.

 

Dans un grand saladier (attention, la semoule gonfle !), mélanger la semoule, les tomates (pelées et passez au mixeur), le jus de citron et les herbes. Bien mouiller d’huile d’olive. Saler et poivrer. Rectifier l’assaisonnement, si nécessaire, sans craindre de rajouter de la tomate si la semoule est trop sèche.

Conserver au réfrigérateur. Attendre 12 heures avant de consommer ce taboulé, bien frais.

 

N. B. Ce plat supporte bien d’être confectionné en grande quantité, dans la mesure où il se conserve 4 à 5 jours au réfrigérateur.

Salade caribéenne

 

Pour 6 personnes : 300 g de couscous (grain moyen) cuit auquel on incorpore 4 cuillerées à soupe d’huile d’olive (au lieu de beurre) et qu’on laisse refroidir, le jus de 2 oranges, le jus de 2 citrons, 1 cuillerée à café de cannelle en poudre, 1 ananas, 1 belle mangue, 1 belle papaye, 4 kiwis, 1 orange, 1 pamplemousse, 50 g de sucre en poudre, 2 cuillerées à soupe de menthe ciselée.

 

Mouiller le couscous avec les jus d’orange et de citron. Lui mélanger la cannelle. Le laisser reposer au réfrigérateur pendant 12 heures.

Éplucher l’ananas et en couper la pulpe en dés. Procéder de même avec la mangue et la papaye. Peler les kiwis et les tailler également en dés. Peler à vif l’orange et le pamplemousse, puis en détacher les quartiers et les couper en morceaux.

Dans une grande coupe, incorporer délicatement à la graine de couscous les divers fruits (ananas, mangue, papaye, kiwis, orange, pamplemousse), le sucre et la menthe. Laisser reposer au réfrigérateur pendant 3 heures avant de servir.

 

 

Le jus d’orange peut être remplacé par du lait de coco.

Rien n’interdit d’introduire d’autres fruits exotiques (goyave, etc.) et d’ajouter, au moment de servir, la pulpe de 2 ou 3 fruits de la passion.

Salade de fruits au couscous

 

Pour 6 à 8 personnes : 2 oranges non traitées, 1 pamplemousse, 3 pêches, 250 g de cerises, 6 abricots, 2 branches de menthe, 300 g de couscous (grain moyen) cuit et refroidi, 100 g de groseilles rouges (égrappées), 50 g de sucre en poudre, le jus de 2 citrons verts, 200 g de petites fraises (des bois, de préférence).

 

Prélever le zeste d’une orange et le ciseler, puis le faire blanchir dans de l’eau frémissante pendant 5 minutes. Presser le fruit.

Peler l’autre orange, en détacher les quartiers et les couper en morceaux.

Peler à vif le pamplemousse, en détacher les quartiers et les couper en morceaux. Peler les pêches et en tailler la pulpe en dés. Laver les cerises et les dénoyauter. Enlever le noyau des abricots et les tailler en morceaux. Effeuiller la menthe et la ciseler.

Dans une grande coupe, mélanger délicatement la graine de couscous avec les fruits (orange, pamplemousse, pêches, cerises, abricots, groseilles), le zeste d’orange, le sucre et la menthe. Arroser avec le jus des citrons. Mélanger à nouveau avec précaution. Laisser reposer au réfrigérateur pendant 3 heures avant de servir.

Au moment de servir, décorer la salade avec les fraises.

 

Attention ! Utiliser une infusion de thé (non fumé) pour mouiller la graine de couscous, en place de l’eau et de l’huile d’olive, généralement employées.

Le couscous en accompagnement :

 

• pour les préparations « à l’orientale ».

©  Annie Perrier-Robert

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