Le café en Allemagne

Au XVIIIe siècle en Prusse

La Gazette du commerce, 1er juillet 1777

« II semble que pour augmenter la consommation d’une denrée ou d’une marchandise, il n’est besoin que d'en défendre l’usage ou d’en gêner le commerce. Le Souverain voit avec peine que ses Sujets achètent de prodigieuses quantités de café, & que cette branche de commerce fasse passer annuellement une bonne partie de notre argent entre les mains des Etrangers. C’est surtout dans la Capitale qu’on prend le café avec une espèce de fureur, & l’on y compte, parmi les Citoyens aisés, un très grand nombre de personnes qui en prennent plusieurs fois le jour. Ce que le chocolat est en Italie & en Espagne, le café l’est en Prusse. La Capitale donne le ton à la Province ; de Berlin le goût s’est étendu aux Villes subalternes. Le Gouvernement a porté plusieurs Ordonnances à diverses époques pour défendre à toute personne de faire le commerce du café sans en avoir obtenu une permission spéciale du Souverain, Tout Marchand, pour pouvoir vendre en gros ou en détail cette denrée, devoit en acquitter les droits, déclarer la quantité qu’il en achetoit, les lieux où il la vendoit, le débit qu’il en avoit &c. Il ne suffit pas de vouloir tout savoir pour savoir tout ; on a trompé la Cour & les Ordonnances n’ont pas eu l’effet qu’elle attendoit de leur sévérité. Les Particuliers ont trouvé le moyen d’éluder la loi & d’échapper aux poursuites des Officiers des Douanes ; ils ont fait la contrebande ; c’est la nuit qu'on a presque toujours choisi pour faire des importations & des exportations même considérables de Café ; les Marchands qui ont acquitté les  droits sont accusés de n’avoir pas toujours fait des déclarations exactes & conformes à la vérité. Ces abus & une foule d’autres qu’il seroit inutile de rapporter sont mentionnés dans le préambule d’une nouvelle Ordonnance qui tend à mieux régler & à restreindre le commerce du café dans nos Etats. Les anciennes défenses sont renouvelées avec une plus grande rigueur. Pour être autorisé à faire ce commerce, il faudra nécessairement en avoir la permission par écrit. Les Employés feront des visites chez tous les Marchands de café & dresseront avec le dernier scrupule un état de tout le café qu’ils trouveront dans les magasins. Outre cela, chaque Marchand sera obligé de déclarer & de montrer, s’il le faut, par les livres de compte, la quantité de café qu’il vend chaque année. On ne fera point passer de la Capitale dans la Province, une quantité de café qui seroit au dessous de 25 livres, pesant, sous peine de confiscation de la marchandise & d’une amende de cent rixdales : cet article regarde tous les Marchands en détail. Aucun Marchand, soit en gros soit en détail, ne pourra plus recevoir qu'à la Douane le café qu’il auroit acheté de l’Etranger ; ils y payeront les droits & les Employés vérifieront si les déclarations se trouvent en régie. Quand il s’agira d’exporter, on renouvellera les mêmes opérations. L’intention principale de  S. M. esr que tous ceux qui participent au bénéfice de ce commerce supportent dans une juste proportion les charges de l’Etat. Cette Ordonnance, datée de Potsdam le 19 Avril dernier, regarde toute la Prusse & le Brandebourg.  »